Le tournoi d'improvisation littéraire - Lettres - Académie de Normandie

Le tournoi d’improvisation littéraire

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 Présentation et objectifs du projet

Un des objectifs de l’objet d’étude du roman en classe de 1ère est de faire saisir la diversité du genre romanesque. La lecture cursive de différents romans suppose des modes d’évaluation variés qui doivent permettre aux élèves de rendre compte de leur expérience de lecteurs.
La bonne connaissance des œuvres lues en lecture cursive est évaluée en fin d’année de 1ère lors de l’épreuve orale de l’EAF. Il paraît donc important de favoriser la pratique de l’oral en classe et de prévoir des modes d’évaluation des lectures en cours de formation qui ne reposent pas exclusivement sur l’écrit.
Le stress, la gêne et la peur d’être jugé font partie des sentiments souvent entretenus chez les élèves lors d’une situation d’oral. Travailler la communication orale en classe tend à évacuer ces sensations pour laisser place à d’autres plus positives comme la confiance, l’assurance.
Le recours au Slam constitue une piste de travail motivante pour les élèves.
Dans le cadre d’un partenariat avec Le Labo des histoires, la classe a pu participer à un tournoi d’improvisation littéraire qui a donné lieu à des activités en classe autour du roman de Sir Arthur Conan Doyle, Le Chien des Baskerville.
L’objectif était donc de s’appuyer sur la participation au « Tournoi des mots » pour travailler sur la lecture cursive du roman et la restitution orale de celle-ci. La perspective du tournoi organisé devant un public a donné tout son sens à un travail sur la diction, le rythme, l’ajustement du débit et du ton ainsi qu’une réflexion sur la dimension corporelle de la restitution avec un travail sur la posture et la gestuelle.

  Organisation

Le projet est mené avec une classe de 1ère L hétérogène de 35 élèves.
Il s’inscrit dans le cadre de l’objet d’étude sur le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours, dans une séquence sur l’évolution du personnage romanesque et les fonctions du roman.
Le professeur de français (Mme Marie-Cahu) est porteuse du projet, elle est accompagnée dans sa pratique par l’artiste slameur « Mine Sale » et par le Labo des histoires pour l’organisation du Tournoi en lui-même qui a lieu à La Librairie L’Armitière de Rouen, dans le cadre de la nuit de la lecture, le 19 janvier.
Le projet se déroule entre le mardi 8 janvier et le samedi 19 janvier (date du tournoi) et tient compte de la disponibilité de l’intervenant. Il prend la forme de 4 ateliers.
En amont des ateliers, les élèves lisent le roman de Sir Arthur Conan Doyle, Le Chien des Baskerville. Le professeur donne quelques notions théoriques et historiques sur le slam.

Un premier atelier de 2h a lieu le mardi 9 janvier. Il est réalisé en classe entière. L’objectif de ce premier atelier est de libérer la parole des élèves. Il repose essentiellement sur des activités à caractère ludique.

  1. Un premier exercice consiste à favoriser des associations entre les mots. Le professeur et l’intervenant choisissent un mot et le prononce en même temps qu’ils lancent un chiffon. Chaque élève qui reçoit le chiffon doit trouver un mot qui est en lien sémantique avec le mot prononcé et ainsi de suite. Tous les élèves sont debout dans la classe. Les élèves sont éliminés lorsqu’ils ne trouvent pas d’association et doivent alors s’asseoir. L’écoute entre les élèves est valorisée car un même mot ne peut pas être utilisé une deuxième fois. L’élève qui reçoit le chiffon doit parler suffisamment fort pour que toute la classe l’entende. Le rythme du jeu s’accélère progressivement.
  2. On propose ensuite le même jeu mais en demandant, cette fois, aux élèves de trouver des mots qui riment avec les mots lancés.
  3. Un troisième exercice consiste à élaborer un récit en groupe et à le mémoriser. La classe est répartie en quatre rangées d’élèves. Dans chaque rangée, un élève commence un récit. L’élève qui suit doit reprendre le début du récit proposé et le poursuivre. Plus le récit se développe et plus le travail de mémorisation est important. Le jeu porte en outre sur la mise en voix et permet aux élèves d’explorer les « façons de dire » car des contraintes de prononciation sont imposées à chaque rangée. On peut par exemple demander de prendre en charge le récit de manière théâtrale, ou avec un accent du sud de la France, un accent anglais... Les élèves sont ainsi sensibilisés aux avantages de la mémorisation qui ouvre la porte à l’imprégnation du texte et à une meilleure interprétation de celui-ci. Ainsi, lorsque l’élève connaît bien son texte, il parvient à s’en détacher et à lui donner diverses formes selon ce qu’il veut exprimer.
  4. Le quatrième exercice consiste en l’écriture de quatre mesures de slam et en la déclamation de la production devant le groupe classe.

Les deuxième et troisième ateliers d’1h portent plus spécifiquement sur la lecture de l’œuvre de Conan Doyle.
Le professeur a invité chaque élève à sélectionner (à la maison) un extrait qui lui semble particulièrement représentatif de l’atmosphère du roman ou qu’il juge comme un passage clé de l’œuvre.

 Lecture à haute voix des textes sélectionnés

Relevé des principaux thèmes du roman (conflit entre le réel et le surnaturel, le maléfice, la vengeance, l’enquête...)
Présentation des différents personnages. On note au tableau ce qu’on sait des personnages (portrait physiques et accessoires caractéristiques, portrait moral.)
Établissement d’une liste de vocabulaire avec des mots clés relevés dans les passages lus par les élèves. Les mots sont inscrits au tableau et organisés par champs lexicaux.
Chaque élève est invité à écrire une mesure de slam avec trois mots issus du roman et proposés par le professeur.
Les élèves déclament à haute voix leur production.
L’intervenant, Mine Sale donne des conseils quant aux éléments paraverbaux, comme l’intonation et la voix (le débit, l’articulation et le rythme). Il s’agit d’amener les élèves à reconnaître la pertinence de ces éléments paraverbaux dans la cohérence du message.
Les élèves prennent la parole debout, devant la classe, assis, à leurs pupitres, partout dans la classe afin de dédramatiser la situation d’oral.
On insiste aussi sur la manière de dire selon différentes émotions (la peur, la détermination, avec ironie...)

Lors du quatrième atelier, plusieurs activités d’écriture de slam sont proposées pendant lesquelles sont travaillés les champs lexicaux et les procédés stylistiques pertinents (mot-valise, allitération, assonance, métaphore, etc.).
Les élèves écrivent leur slam en équipe de deux ou trois et l’oralisent à deux ou trois également.
Exemples de consignes :
Écrivez la suite de : "Quel est votre avis Watson ? Je haussais les épaules en répondant : "S’il quitte vraiment le pays, ce sera un soulagement pour le contribuable anglais"
Écrivez un dialogue à la suite de " Si je vous suis bien Monsieur Holmes, dit Sir Henry Baskerville, Quelqu’un a découpé ce message avec des ciseaux"
Trois minutes de rédaction sont données aux élèves avec un compte à rebours oralisé.
La production orale ne repose pas sur un travail de mémoire et de récitation mais sur la mise en voix, la parole. On insiste sur la liberté pour les équipes de s’exprimer : chanter, scander, énoncer, dire, jouer la comédie.
Au moment de l’oralisation, on propose aux élèves d’adopter un accent si cela peut les aider à créer une distance et à détourner leur timidité.
On invite les élèves à interpréter leurs textes successivement sans que le spectateur ne perçoive de rupture et à taper un rythme en "body-percussion".

 Dernière étape

Les ateliers sont clôturés par un tournoi organisé le samedi 19 janvier à la librairie l’Armitière de Rouen. Au moment du tournoi, les équipes s’affrontent pour décrocher leur place en finale. Tour à tour, chaque équipe écrit, dans le temps imparti, un texte improvisé, en respectant des contraintes spécifiques en rapport avec le livre retenu. Chaque manche s’organise autour d’une minute de réflexion de l’équipe puis 3 minutes d’écriture individuelle.
La production finale prend donc la forme d’une « soirée de slams », où le public est le jury.
Dans le cas de ce projet, le public était constitué par des parents, des amis, des camarades des élèves, des clients de la librairie... Un quizz était organisé par « Le Livre de Poche », partenaire de l’événement pendant le temps d’écriture des élèves mais le tournoi peut se faire aussi à l’échelle de la classe ou dans une salle du lycée. Il faut, dans ce cas, envisager de modifier la disposition de la classe pour en faire une salle de spectacle afin d’enrichir la performance et de réaliser une authentique « soirée de slams ».
L’équipe gagnante participera à une finale nationale à la maison de la radio à Paris - date à confirmer.

 L’intérêt du projet pour les apprentissages

Peut-être est-ce en raison de sa nouveauté du slam et de sa proximité, aux yeux des élèves, avec le rap, que cet art oratoire s’est révélé un bon outil d’enseignement pour travailler l’oral. Le slam n’est pas seulement ce que l’élève a écrit, mais bien ce qu’il dit et la façon dont il le dit.
L’originalité de cette séquence réside, d’une part, dans les rétroactions formatives fréquentes que l’enseignant donne aux élèves au fil des activités et, d’autre part, dans l’engagement dont il fait preuve au cours des ateliers ; il essaie, lui aussi, les différentes activités présentées aux élèves, ce qui a pour effet de désamorcer leur côté intimidant. De surcroît, la séquence didactique permet de modifier la relation d’aide entre l’élève et l’enseignant, en ne réduisant plus ce dernier au rôle unique d’évaluateur. Inutile de préciser que le climat de la classe devient également plus agréable et positif.
En motivant le travail par la perspective d’une soirée de slams ou d’un tournoi par équipes, on induit aussi l’idée de collaboration et de diffusion. La méthode du projet a pour but de rendre les élèves plus autonomes. Travailler en groupes renforce la collaboration entre pairs, l’entraide et permet de développer des compétences sociales telles que écouter, prendre en compte l’autre.
A l’issue du tournoi, les élèves ont exprimé le sentiment d’avoir vécu un moment agréable. La gêne et le stress ont tendu à diminuer au cours des différents ateliers, voire à disparaître. Parler devant la le public/la classe n’a pas correspondu à un moment d’anxiété, mais plutôt à une occasion unique où l’élève a pu avoir l’attention de tous ses camarades pendant un instant.