Lire "La légende de Saint Julien l'Hospitalier" en 5ème : suivre le fil d'une discussion - Lettres - Académie de Normandie

Lire "La légende de Saint Julien l’Hospitalier" en 5ème : suivre le fil d’une discussion

Le projet ci-dessous présente une séquence volontairement courte de lecture intégrale. Le caractère resserré et continu du projet a permis aux élèves d’apprendre à se questionner et à partager leurs questions au service du développement de leurs compétences de lecture.

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Avant-Propos :

  Une observation : le travail de lecture intégrale est souvent perçu en classe comme chronophage.
La réflexion sur le temps de lecture est précisément au cœur du projet présenté.
Comment en effet resserrer le temps consacré à l’étude afin de soutenir l’attention comme l’engagement des élèves tout en développant efficacement leurs compétences de lecture ?

 Hypothèse de travail :
1- Exploiter les usages adolescents des outils nomades au service des pratiques de classe  : les usages du téléphone portable ont considérablement évolué ces dernières années. Les adolescents n’écrivent pas de SMS, mais produisent et échangent des vocaux. Cet usage pourrait-il soutenir le travail de lecture en contribuant à lever les résistances du texte complexe ?
2- Mener un travail continu de lecture afin de lutter contre l’émiettement de l’attention des élèves et la perte de cohérence de l’acte de lecture, disséminé en de multiples "moments" de lecture discontinus.
3- Constituer un fil de discussion pour soutenir et nourrir l’acte de lecture.

Pourquoi ce projet ?

A l’origine de ce projet, il y a la volonté de renouveler la palette des oeuvres proposées aux élèves de 5ème, comme celle de leur faire découvrir un auteur majeur de la littérature : Gustave FLAUBERT.
C’est ainsi que le choix de la légende de Saint Julien l’Hospitalier s’est imposé.
Il y a aussi l’ambition d’apprendre à de jeunes élèves à développer au long cours leurs compétences de lecteurs, exigeant attention, concentration et capacité à se questionner et aiguiser sa pensée.
Tel est le sens de la création du fil de discussion de la lecture de La légende de Saint Julien l’Hospitalier.

L’objectif de cette courte séquence, menée en classe de cinquième, a été de développer les compétences de compréhension et d’interprétation des élèves face à un texte littéraire, ainsi que les compétences rédactionnelles.
Elle avait pour but originel de travailler l’oral, en partant d’une pratique largement répandue - les enregistrements vocaux pour transmettre un message- mais cette approche n’a pas du tout fonctionné dans la classe, ce qui pose d’ailleurs la question, fondamentale d’un point de vue pédagogique, de l’implication des élèves dans les dispositifs mis en place par l’enseignant.
Cet article se propose donc de rendre compte d’un échec initial, invitant le professeur à proposer une nouvelle démarche d’étude riche d’enseignements.
Il est le fruit du travail de Grégory DEVIN avec ses élèves de 5ème au collège Marcel-Grillard de Bricquebec, dans La Manche.

Plusieurs champs de compétences ont été travaillés au cours de ce projet :
 Des compétences de lecture tout d’abord : le développement des compétences de compréhension et d’interprétation ;
 Des compétences d’écriture ensuite : l’engagement dans la production d’écrits de travail révélant une appropriation progressive du texte lu ;
  Des compétences orales également : des oraux de travail sous la forme de débats spontanés afin de partager sa lecture et de défendre son point de vue ;

Parmi les 5 domaines du CRCN, plusieurs ont été travaillés au cours du projet :
  Domaine 2 – Communication et collaboration : interagir, collaborer, partager et publier ; ’insérer dans le monde numérique en apprenant à exploiter un pad.
 Domaine 3- Création de contenus  : développer des documents textuels en ligne et collaboratifs.
  Domaine 4- Protection et sécurité : protéger les données personnelles.
 Domaine 5- Environnement numérique : Construire un environnement numérique de travail au service de la lecture et de l’interprétation d’une oeuvre littéraire.

Le déroulement du projet :

Le projet s’est déroulé sur une semaine.

 1- Le scénario initial : la création d’un fil de discussion orale pour soutenir la lecture première du récit.

Le travail a débuté logiquement par l’explicitation des consignes et des attendus : lire et comprendre La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, de façon à la fois individuelle (le travail se fait seul face au texte) et collective (les élèves voient au fur et à mesure au tableau, via le vidéoprojecteur, les propositions de leurs pairs, auxquelles ils peuvent répondre).
Le travail de lecture est réalisé en classe, accompagné par le professeur. L’objectif est de donner confiance aux élèves, confiance en leur capacité à lire en continu une oeuvre sans se perdre, sans se déconcentrer.

Les élèves disposent pour ce faire d’une copie intégrale de l’œuvre, sur laquelle ils ont le droit d’écrire, souligner, annoter… Ils ont également à disposition un appareil connecté, qu’il s’agisse d’une tablette, d’un ordinateur, ou de leur téléphone personnel, dans le cadre d’un BYOD, qui a fait bien sûr l’objet d’une contractualisation au préalable.
Cet appareil va leur permettre de publier sur un espace numérique collaboratif (un pad), ce que la lecture va susciter en eux : interrogations, questions, remarques, apports culturels, interprétations personnelles…C’est la création progressive d’un fil de discussion sur l’oeuvre.
Au départ, il a été proposé aux élèves d’enregistrer leur voix, pour poster des messages, auxquels les autres auraient eu la possibilité de répondre, selon la pratique désormais courante des “vocaux”.
Rapidement, dès la première séance en fait, les élèves ont demandé à utiliser exclusivement l’écrit, plus efficace selon eux dans le cadre d’une communication immédiate, sans doute moins engageant en termes d’image, et surtout plus propice au maintien de leur attention au plus près du texte lu.

 2- Le scénario repensé : la rédaction progressive et partagée d’un fil de discussion donnant sens et corps à La Légende de Saint Julien l’Hospitalier.

Les élèves se sont donc engagés dans la lecture, en étant accompagnés par le pad qu’ils complétaient dès que de besoin, comme on peut le voir dans cette courte captation.

Au départ, les contributions des élèves ont consisté uniquement en des questions de vocabulaire : il y avait là sans doute la manifestation de la représentation, par les collégiens, de la compréhension comme la connaissance de la signification de chaque mot.
L’intervention de l’enseignant a permis d’ouvrir le champ des possibles tout en apportant des conseils de méthode, au service notamment du travail des inférences. Le sens de la compréhension a été discuté afin de ne pas limiter l’activité à l’élucidation du sens de chaque mot, mais bien au contraire de s’emparer de l’ensemble du texte. L’indication du contexte médiéval a également permis de lever bon nombre d’incompréhensions.
Dès la deuxième séance, les questions des élèves se sont ainsi davantage portées sur une compréhension d’ensemble et peu à peu plus fine : actions des personnages, sens des dialogues, enchaînement des événements…
Au fil de la lecture, les interventions se sont complexifiées, et surtout est apparu ce qui est sans doute le plus difficile à susciter chez nos élèves, sans passer par un sur-étayage du professeur : l’interprétation
.
À leur compréhension, en effet, sous l’impulsion du travail collectif concrétisé par l’élaboration progressive du fil de discussion, les élèves ont progressivement mêlé leur propre histoire et leurs questionnements personnels : motivations de Julien, thèmes de la destinée, du pardon, de la violence…
À la faveur des interventions et des réponses, sont également nés des débats improvisés, à l’écrit, possédant pour le professeur de lettres une vertu passionnante : amener les élèves à retourner plusieurs fois au texte, afin d’interroger leurs hypothèses.
À la fin du travail, au bout d’une semaine, tous les élèves avaient lu le texte dans son intégralité, s’étaient posé de nombreuses questions, auxquelles ils avaient apporté des réponses (vocabulaire, compréhension), et s’étaient interrogés sur le sens de l’œuvre et les thèmes soulevés, à travers de longs échanges à l’écrit tout d’abord, puis sous la forme de discussions spontanées et engagées en classe.

Bilan :

On le voit, dans ce dispositif, le rôle du professeur a surtout été celui d’un accompagnant  : informer la classe qu’une question intéressante a été posée, reformuler la syntaxe... Il fut le tisseur du lien de plus en plus dense entre les élèves et le texte.
Une fois ce travail collectif achevé, le professeur a repris le texte et proposé une analyse pour apporter des informations complémentaires : la vie de Flaubert, les conditions de rédaction du texte, des extraits d’autres oeuvres.
Les élèves ont finalement été invités à proposer une synthèse de leur travail sous la forme de leur choix : un texte, une carte mentale, un schéma… rendu au professeur, lui permettant ainsi d’évaluer l’état de leur compréhension.
Tous ont produit une lecture juste, appuyée par de riches références au texte.
La pratique du fil de discussion apparaît ainsi comme un soutien très efficace afin de lever les résistances des oeuvres complexes et aider les élèves à développer leurs compétences de lecture autonome.

Retrouvez ici le fil de discussion produit (les posts les plus anciens sont en bas de page).

Découvrez enfin quelques exemples de travaux de synthèse produits par les élèves au terme de leur lecture et des discussions engagées.

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