S'essayer à la critique littéraire - Lettres - Académie de Normandie

S’essayer à la critique littéraire

Sophie HALLAVANT, enseignante au collège Aimé-Charpentier de Damville revient sur le travail mené avec ses élèves de 4ème.
Retrouvez ici son témoignage, accompagné des principaux documents, supports du travail mené.

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S’essayer à la critique littéraire


Le développement des compétences de lecture est un des enjeux majeurs des programmes de français. Il s’agit ainsi tout autant de lire que de manifester sa compréhension des textes lus, plus encore son appropriation des textes et œuvres lus. Comment alors susciter le goût de lire des élèves ? Comment les inciter à faire leur des textes patrimoniaux, éloignés de leurs horizons culturels et pourtant si précieux pour aiguiser leur pensée comme leur regard sur eux-mêmes, les hommes et le monde ? Comment leur permettre de développer leur esprit critique à la lumière des textes lus ?

Tel est justement le sens de la démarche proposée par Sophie HALLAVANT, professeure au collège Aimé-Charpentier de Damville. Le média radiophonique est ici mis au service de la lecture de deux nouvelles de Guy de MAUPASSANT, "Aux champs" et "La ficelle". L’exercice de la critique littéraire devient un support de création motivant, engageant les élèves, sous couvert de la fiction radiophonique, à affirmer leur point de vue de lecteur : en binôme, deux collégiens, l’un jouant le rôle d’un critique littéraire, l’autre celui de Guy de MAUPASSANT, engagent un dialogue littéraire.


 1. Présentation de l’action

 Etablissement et classe : Collège Aimé Charpentier, Damville (27). Classe de 24 élèves de 4ème

 Constat initial : Les élèves peuvent avoir du mal à comprendre le lien entre les textes étudiés et les lectures cursives proposées en complément. Ils peinent ainsi à donner sens à la démarche de lecture proposée par le professeur.
L’hypothèse à l’origine du projet est celle qu’un engagement des élèves dans un projet concret, sous la forme d’une émission de radio et d’une fiction sonore, pourrait renouveler leur intérêt et les engager dans la lecture.

  Lien avec le programme : le projet s’inscrit dans l’entrée de programme de la classe de 4ème : « Regarder le monde, inventer des mondes : la fiction pour interroger le réel ».
Deux nouvelles réalistes de Guy de MAUPASSANT sont proposées en lecture cursive afin d’approfondir l’analyse développée à partir d’un corpus d’extraits romanesques visant à étudier le regard porté sur la société du XIXème siècle : « Quand la fiction donne sa voix au peuple ». Le plan de séquence joint reprend les principales étapes du travail mené.
Le projet articule également des productions écrites et des productions orales au service du développement des compétences d’expression des élèves. Il vise plus spécifiquement à travailler les compétences suivantes :
 Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces ;
 Mobiliser des références culturelles pour interpréter les textes ;
 Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
 Utiliser les technologies numériques pour enregistrer la voix.

 Objectifs didactiques et pédagogiques : le projet vise à développer les connaissances littéraires et culturelles des élèves à travers la lecture de récits réalistes.
Le travail a également pour objectif de développer les compétences interprétatives des élèves en aiguisant leur esprit critique.
Il s’agit aussi de développer la capacité des élèves à s’exprimer à l’oral en prenant appui sur leur compréhension des textes lus ; à les rendre capable d’utiliser les ressources de la voix pour donner du relief à leur parole tout en prenant en compte leur destinataire.
Le projet vise enfin à engager les élèves dans un travail collaboratif.

 Connaissances mobilisées et développées :
 Connaissances littéraires et culturelles : sur l’auteur et la notion de récit réaliste ; sur les textes et nouvelles lus. Un travail préalable sur l’auteur permet en effet d’utiliser ses connaissances pour construire l’interview. Le critique et l’auteur mobilisent les connaissances acquises au cours du chapitre.
-Connaissances lexicales et linguistiques : précision et justesse du vocabulaire employé.
-Des compétences d’écriture : les élèves adoptent la forme de l’interview et les contraintes d’écriture qui lui sont liées.
-Des compétences d’expression orale : capacité à développer un propos en interaction avec autrui. L’élève jouant le rôle du critique est en effet conscient qu’il s’adresse à Guy de MAUPASSANT mais aussi à ses auditeurs. Il va donc adapter son vocabulaire, ses questions pour faire progresser l’interview.
 Des compétences d’interprétation : les élèves développent leur capacité à interpréter les textes en jouant leur rôle de critique et d’auteur. Chacun d’eux doivent également rendre l’interview vraisemblable grâce à leur interprétation de leur rôle.

 Durée, organisation : il s’agit d’une des tâches finales de la première séquence de l’année sur le récit réaliste.
La lecture cursive est menée en lien avec un travail de relevé dans un tableau d’informations qui serviront de matière pour l’interview fictive.
Le travail se déroule en partie en classe et en partie dans le studio radio du collège.
Organisation  :
1h30 pour écouter des exemples d’interview d’auteurs et mettre au point les règles et caractéristiques de l’exercice.
1h30 pour rédiger en binôme les questions et les réponses.
1h d’enregistrement grâce au studio radio.

 2. Description du projet

C’est une production fictive visant à une appropriation littéraire.
Ce projet prend place en fin de chapitre sur le récit réaliste et à l’issue d’une lecture cursive de deux nouvelles de MAUPASSANT. L’objectif est de montrer un autre pan de la société, en la personne des paysans. Afin de soutenir et de guider la lecture, les collégiens remplissent un tableau de relevés d’informations qui servira ensuite de point d’appui afin de bâtir l’interview en adoptant une posture « critique » sur l’intrigue, les personnages, l’esthétique réaliste ou encore la visée de l’auteur.
Un travail intermédiaire d’écriture est alors proposé : les élèves ont rédigé une lettre à Maupassant : « vous êtes critique littéraire et vous écrivez une lettre à Maupassant pour lui dire ce que vous avez pensé de ses nouvelles »
Ce travail a permis de découvrir la démarche de réflexion critique et ainsi de nourrir la production orale finale
Après une correction en classe de ces premières activités, le projet d’interview fictive est présenté aux élèves : un journaliste, critique littéraire, interroge l’auteur à l’occasion de la sortie de deux de ses nouvelles.
Deux interviews d’auteurs sont proposées alors à l’écoute pour aider les élèves à se représenter l’exercice : (France info junior livres : Michel Bussi et Carole Trébor.
Le point important est d’expliquer ici qu’en tant que journaliste, on interroge l’auteur sur ses choix littéraires en lui demandant de se justifier. La mise à distance est essentielle.
Enfin, une « boîte à outils » de l’interview a été réalisée : que demander, de quelle manière, comment répondre… ?
Les élèves ont pu se mettre au travail : en binôme, ils ont rédigé des questions-réponses en s’aidant de la totalité des connaissances acquises lors du chapitre.
Après quelques essais et conseils de mise en voix, les élèves ont enregistré leur interview.
Le résultat a été publié sur l’ENT du collège.

 3- Entretien

Interrogée par Blandine BIHOREL, Interlocutrice Académique au Numérique, Sophie HALLAVANT revient sur le projet mené au sein du collège :

  Quel est selon vous l’intérêt principal de cette action ?
Il y a tout d’abord un grand intérêt culturel suscité par la lecture de plusieurs nouvelles de Maupassant mises en perspective avec les autres récits lus.
Cette action permet un premier travail de l’oral en 4ème, tout en proposant aux élèves un dispositif moins « stressant » pour eux, moins « scolaire » également : rédaction en binôme des prises de parole, entraînement avant l’enregistrement, possibilité d’écouter puis éventuellement de refaire l’enregistrement pour améliorer la prestation.

  Avez-vous rencontré des difficultés ? de quel ordre ? comment les avez-vous surmontées ?
Un accompagnement technique est souhaitable pour les enregistrements et la diffusion si on est novice. J’ai été pour ma part accompagnée par le professeur documentaliste, afin d’utiliser le studio radio du collège. Pour autant, sans studio radio, un projet identique serait possible, en utilisant des portables, ou des enregistreurs Zoom par exemple.


  Quelle a été la réception, la réaction des élèves ?

Les élèves se sont montrés motivés et appliqués tout au long de l’activité, nouvelle pour eux. Certains se sont pleinement emparés du projet, d’autres ont cependant eu du mal à se mettre dans la peau de leur personnage, tant au niveau de la rédaction des questions-réponses, que de la mise en voix. L’aide du professeur a été nécessaire.

  Dans quelles compétences les élèves ont-ils particulièrement progressé ?
Cela leur a permis d’acquérir des connaissances littéraires, une posture et des démarches de lecteur pour aborder la séquence suivante, le fantastique et ainsi faire le lien entre les chapitres.
Sur la nouvelle de BUZZATI, Le Veston ensorcelé et celle de GAUTIER, La Cafetière, le travail préparatoire a été donné à l’identique (relevé d’informations dans un tableau en parallèle de la lecture cursive). Ils ont également, et avec davantage d’aisance, rédigé une lettre dans laquelle l’élève interpelle l’auteur sur ses choix d’écriture, lui propose d’autres choix. Ce travail d’analyse littéraire et critique s’est ainsi inscrit dans des pratiques régulières et familières des élèves.

Les collégiens ont également progressé dans leur prise de parole : assurance, mise en voix, improvisation pour certains. Cette activité a été reprise lors des chapitres sur le fantastique et le lyrisme, avec à chaque fois une plus grande autonomie des élèves et un temps de préparation moins long.

  Avec le recul, pensez-vous que des ajustements seraient souhaitables ?
Il faudrait trouver un canal de diffusion des enregistrements plus large, notamment pour les élèves des autres classes, afin de valoriser le travail des élèves : une exploitation de l’ENT ou le dépôt sur une chaine « pod » dédiée à la valorisation des travaux des élèves de l’établissement, sur le site : https://pod.ac-normandie.fr.

  Comment avez-vous évalué le projet/ l’action ? Quelles conclusions en tirez-vous ?
L’évaluation s’est faite en deux temps : le relevé d’informations au cours de la lecture cursive, puis l’activité en classe, avec : la prestation orale, la capacité à travailler en binôme, la mobilisation des connaissances acquises sur le chapitre, la capacité à reproduire la forme de l’interview.
Ce travail a également mis en valeur des élèves plus à l’écart, moins à l’aise avec l’écrit. Le travail a permis de valoriser l’engagement de tous, même les plus fragiles.
Les deux productions suivantes témoignent du travail réalisé, de l’engagement des élèves et des compétences développées.
La première révèle une grande aisance des deux élèves, une appropriation fine des textes, et un plaisir du jeu certain.
La seconde comporte davantage d’hésitations. Des difficultés sont manifestes, mais les deux élèves sont très volontaires et pleinement impliquées.

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